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Zaza Minssen ou l’art de sublimer les nageuses

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L’affiche de l’exposition, un plongeon dans les années 50

L’été dernier, j’ai eu un véritable coup de coeur pour l’affiche de la Galerie de Zaza Minssen située à l’Ile Tudy.
Fan du cinéma des années 50, elle m’a plongée dans l’atmosphère hollywoodienne des ballets aquatiques des films de la MGM, avec en vedette la magnifique Esther Williams. La nageuse de Zaza, mon imagination la transpose aussi dans une toute autre ambiance, celle de Dinard et des tentes bicolores de la plage de l’Ecluse. De mon point de vue, le personnage se fondrait parfaitement avec l’architecture de cette station balnéaire dont je ne me lassons pas.
Poursuivie par mon envie de me procurer cette affiche pour l’encadrer et lui donner sa place dans mon intérieur, j’ai contacté Zaza Minssen pour savoir si des exemplaires étaient encore disponibles à l’achat. A l’occasion de notre rencontre à son atelier/galerie, j’ai voulu en savoir davantage sur cette  artiste qui peint depuis 30 ans et pratique la natation.

Une formation artistique reçue pour partie de Marc di Napoli

Zaza, quelle est votre formation artistique ?
J’ai appris énormément de choses par moi-même. Mais j’ai également appris beaucoup de l’artiste Marc di Napoli, avec lequel j’ai pris des cours, à Concarneau. Je ne sais pas si vous connaissez Marc di Napoli, il a été acteur. Il a joué dans le feuilleton télévisé “Deux ans de vacances” et dans “Tom Sawyer” de Wolfgang Liebereiner. A 20 ans il a dit“ je ne veux pas être artiste de cinéma, je veux être artiste peintre”.
Il m’a enseigné certaines des bases du métier de peintre qui me faisaient défaut. C’est avec lui que j’ai appris à fabriquer mes peintures et à monter mes châssis. Mais assez vite il m’a dit “toi, tu n’as pas besoin de moi”.

Des influences qui feront évoluer la peinture de Zaza Minssen

Robe dorée, peinture à la cire sur toile – ©Zaza Minssen

Au cours de votre parcours quels sont les artistes qui vous ont particulièrement inspirée ?
Le premier tableau qui m’a inspirée, c’est une gouache de Pierre de Belay(1), un peintre breton, que j’ai vue dans une salle des ventes à Quimper. J’avais trouvé ça extrêmement beau. Ensuite j’ai été influencée par les expressionnistes allemands abstraits. Et en vieillissant, ce sont les oeuvres de Cy TwomblyRoy LichtensteinRobert Rauschenberg,… tous les artistes du pop art, qui m’ont davantage attirée. D’après ce que j’ai lu, ce que vous faisiez avant est très différent de vos nageuses, pouvez-vous m’en dire plus ?

Précédemment j’ai travaillé la peinture à la cire. Cela correspond à la période où je peignais des robes. Tous les matins, je fabriquais mes peintures et ma cire. Je mettais des pigments, des liants, et je faisais des assiettes chaque jour avec des couleurs différentes, j’appliquais beaucoup de couches sur la toile. Pour avoir des fonds qui ressemblent un peu à des murs, des fonds très vieillis, j’utilisais des techniques mêlant l’utilisation du papier de soie et du fer à repasser ou du décapeur thermique. J’ai travaillé comme ça pendant 10 ans. La peinture à la cire est une technique utilisée en restauration d’art. Je l’ai aussi apprise chez Marc di Napoli.

La « genèse d’une nageuse »

Pour en revenir à vos nageuses, comment se déroule la réalisation d’une de ces toiles ?
Je démarre par un shooting photo avec des modèles, soit dans l’atelier soit sur la plage. Une amie créatrice de lunettes m’en prête différentes paires et j’achète des bonnets de bain.
Il faut du temps pour apprivoiser le modèle. Je travaille avec cinq ou six jeunes filles. Une fois les photos faites, je re-travaille les couleurs sur le logiciel Illustrator. Ensuite, je réalise mon dessin avant de passer à la bombe. Manier la bombe est assez difficile : si on rate il faut jeter la toile. Mais c’est un travail que je maîtrise grâce à l’utilisation de différentes buses*. Et puis je reprends aussi le travail au pinceau.

En moyenne, combien de temps vous prend la réalisation d’une toile de nageuse ?
Cela dépend, il n’y a pas de règles, parfois ça me prend du temps pour être satisfaite du modèle, et avoir les idées des bonnes couleurs. Les couleurs sont ce qu’il y a de plus dur, je trouve. Les belles couleurs à la bombe, c’est surtout le bleu cobalt, lorsqu’il y a un blanc en dessous, il ressort encore plus.

Cela veut dire que quand vous travaillez à la bombe on est vraiment sur de la couleur sans aucun mélange ?
En effet, c’est cela, il n’y a pas de mélanges. Après, j’utilise aussi de la peinture industrielle en pot pour le blanc et le noir.

Ces nageuses, un messages adressé aux femmes ?

Y-a-t-il un message adressé aux femmes dans vos toiles ? Personnellement, ça me rappelle beaucoup le cinéma des années 50, avec ces grandes productions hollywoodiennes mettant en scène des nageuses synchronisées.

Non, je n’ai pas spécialement voulu adresser un message aux femmes. C’est plutôt une inspiration qui me vient en effet des ambiances des films d’Hitchcock, des films avec Grace Kelly, et aussi des affiches de cette époque.
Par contre, précédemment, il y a bien eu un message sur la féminité à travers mon travail sur les robes. Je n’en portais personnellement jamais, et par la suite, j’ai mis des robes. C’était en 2008, et j’ai d’ailleurs exposé ces toiles à Londres.

L’exposition été 2019 de Zaza Minssen

Dans votre galerie cet été, il y aura uniquement des nageuses ou les visiteurs pourront-ils admirer d’autres styles de  toiles comme les voiliers de l’an passé ?
Pour l’instant, je ne sais pas encore. Non, les voiliers c’est un genre de toiles je n’ai plus envie de peindre.
Par contre, il y a une évolution dans mes nageuses. Par exemple, si on prend ce tableau dans lequel la jeune femme tient une boisson à la main, c’est la première fois que j’ajoute ce type d’accessoire. J’ai fait des photos avec des Chupa Chups et des cornets de glace, donc on verra si ça évolue. Je cherche, … on ne sait jamais où ça va nous mener…

Si à travers ces toiles Zaza Minssen entend juste “sublimer le monde des nageuses” (Ouest France juillet 2018), pour ma part je trouve que leur luminosité, leur fraîcheur dégage une vraie sensation de bien être. C’est comme un appel à prendre le large, à la rêverie. Un appel à prendre du temps pour soi, le temps, entre deux bains de mer ou de soleil, de visiter la Galerie de Zaza située à deux pas de la plage.

1) Peintre quimpérois, fidèle ami de Max Jacob. On peut voir nombre de ses peintures et dessins au Musée des Beaux Arts de Quimper
*Embout qui permet d’adapter l’angle/le débit de pulvérisation de la peinture à la bombe.

Galerie Zaza Minssen
10 rue des Cyprès – 29980 Ile-Tudy
Ouverture juillet et août
(visite sur rendez-vous 06 86 75 64 62)
contact : Elizabeth.minssen@orange.fr